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Quoique conscients de la Covid-19, ils vivent leur vie d’avant.

Quoique conscients de la Covid-19, ils vivent leur vie d’avant.

Le coronavirus gagne du terrain et se fait de plus en plus menaçant, en Haïti. Pourtant dans certaines zones du pays, tout fonctionne comme avant. Toujours les mêmes habitudes; le même traintrain quotidien. Des gens s’en fichent de la maladie qui tue à grande échelle, d’autres s’en moquent, une autre catégorie s’inquiète, se résigne, prie et se livre à la providence. Au regard de leur mode de vie, on se croit être bien loin de la pandémie. Très loin.

Samedi 20 juin. Il est à peine 8hr du matin. Le soleil brille dans un ciel dégagé. Le marché est bondé de monde. Petits détaillants, commerçants, grossissants, acheteurs… tous y sont. Des corps se frôlent, se frottent, se bousculent dans un tintamarre assourdissant. Les produit, les denrées, dont leur prix sont doublés, voire triplés sont étalés à même le sol dans une promiscuité désolante. Ce marché public de Cavaillon qui pourtant a vu son horaire basculé à cause du nouveau corona, fonctionne comme à l’ordinaire. Les mêmes habitudes demeurent. Pas de poste de lavage des mains à l’entrée, rares sont ceux qui portent un masque, la distanciation sociale est un rêve ici. C’est le mépris total des mesures Barrières.

« Même avec une arme sur la tempe, je ne porterais pas de masque », balance Gina, une acheteuse. Car avec, je respire péniblement, j’essouffle, avance-t-elle. Questionnant une marchande de vives sans masque, elle explique: « je sais que le corona est là et il est dangereux ». Mais je le méprise; je ne crois pas qu’on peut vraiment se protéger: je vis, fin de citation. Anette a huit ans. Le corps menu, vêtements usés, cheuveux défaits, l’enfant colporte des épices. Elle est sans masque. La fillette nous avoue ceci: chez moi on est huit dans une chambre, on vit sans penser à la maladie, sans vraiment nous protéger…

*Girodier vit la pandémie entre inquiétude et oubli.

Un peu plus loin, au nord du marché se situe un quartier dénommé »Girodier ». Ici, rien a changé. Les habitants de cette localité s’accrochent à leur mode de vie pré-corona. Francine, mère de cinq enfants, rencontrée au bord de la rivière faisant la lessive avec ses commères comme elle les surnomment, croit que le virus est un mauvais sort jeté aux riches méchants.  » C’est une maladie punitive, faite pour les riches impitoyables, Dieu ne nous jeterait jamais un tel châtiment,nous les malheureux, lâche notre interlocutrice.

L’eau de la rivière à l’aspect verdâtre, illuminé par un soleil gluant, tente. Des enfants, nus comme ce ciel limpide du midi, baignent. Badinent, en toute innocence.  » Nous avons entendu parler du virus, mais nous n’avons pas peur, lance Julinio comme une flèche, quatorze ans. Ainsi s’errige-t-il en porte- parole de ses amis, visiblement plus timides. « C’est eau, nous la buvons; chez moi tout le monde la boit », nous dit Wood qui lui, tambourine dans l’eau.

Tout près d’eux, Roland raffraîchit ses bétails. Pour le sexagénaire, la Covid-19 est une mauvaise politique. Cependant, il y croit. Pour se protéger, il fait ceci:  » je bois de l’alcool, de la momordica ( l’assorossi), du thé amère, affirme-t-il.

Non loin, sous un amendier, entre blagues et éclats de rire, des jeunes garçons du quartier s’amusent, se régalent avec de bonnes mangues « lakay « . Pour agrémenter le tout, une bonne bouteille de « gwòg di » tourne dans le faux cercle qu’ils forment. Quant à Peter, il mise sur sa jeunesse pour faire face à la maladie. « Le virus tue davantage les personnes âgées; celles-ci sont plus vulnérables », estime le jouvenceau. Nous, les jeunes, sont beaucoup plus resistants, poursuit-il, en avalant une gorgée de « tafia », comme pour sceller ce qu’il vient de dire. « Nous projetons une partie de football sur le terrain plus tard », nous lance Juno, en guise de réponse à la question s’il n’a pas peur de contracter le virus.

Chez Atiti…

Dans les encablures, se trouve un « peristil »(temple du vodou), communément appelé » kay Atiti ». Pour pénétrer, on y jete de l’eau en signe de respect aux » lwa »( divinités du vodou). La « Manbo »(prêtresse du vodou) de 81 ans reconnait la présence et la létalité de la maladie, mais croit que ses *lwa la protègent. « J’invite tous mes clients, dit-elle, à se laver les mains avant de venir me voir. Toutefois, l’octogénaire ainsi que ses clients ne portent pas de cache-nez dans ce qu’elle appelle son bureau. La voyante explique pourquoi: « les *lwa ne reconnaissent pas le coronavirus ». D’ailleurs, quand je suis chevauchée, j’y ne suis pas; je suis habitée par eux; ils m’imunisent contre le virus: je ne m’inquiète pas.

« Là, c’est comme un hôpital. Les gens y défilent tous les jours, pour différents besoins: traiter une maladie dite fétiche, jeter un mauvais sort à ennemi, se prémunir contre les maléfices, entre autres… détaille pour sa part Antoine avec une lueur de fierté, fils et « wonsi »(travailleur de la manbo). « La Covid-19 a peur des *lwa mon ami, grommelle-t-il, dans un rire cynique.

Jean-Mari y est dans l’espoir de se faire guérir.  » je suis ici pour une guérison depuis plus d’une quinzaine de jours ». Je rentrerai chez moi, une fois rétabli, nous informe-t-il.  » Le coronavirus n’est pas mon soucis, tance le client-patient de Atiti.

À l’hôpital lumière de Bonne-fin, situé dans la troisième section de « Gros-marin », les personnes atteintes du virus ne sont pas bienvenues, témoigne un voisin du centre hospitalier.  » Depuis environ trois semaines, l’hôpital fonctionne à personnel réduit », nous informe une infirmière sur place, tout en fixant son masque. » Le personnel a peur d’attraper la maladie, ce sont les plus braves qui viennent travailler », continue-t-elle. Aucune prise en charge n’est garantie aux personnes infectées, on ne les reçoit pas, nous confie un agent de sécurité du centre.

Sur la cours de l’hôpital, des marchands se débrouillent. « Grimelle », ainsi connu, vend des boissons gazeuses et des plats. Elle s’enquit peu de la pandémie. Son imprudence saute aux yeux…

Un vent léger soulève des petits nuages de poussière sur cette route (Cavaillon-Gros marin) laquelle est cahoteuse, sacageante… embrouillant ainsi l’air et le rendant frais. Le soleil file; va prêter sa lumière à d’autres horizons et plonge la ville dans un noire opaque, voire les 2.589 kms carrés du département Sud. Quelques chauffeurs de taxi-motos, défiant le couvre-feu, pour lesquels la journée n’a propablement pas été grasse, guettent encore des passagers. Qui eux aussi outrepassent cette mesure applicable à d’autres contrées, de toute évidence…

La ville rentre dans sa coquille. Le coronavirus sort ses crocs. De toute ressemblance, aucune mesure sérieuse pour contrer ce demond qui chippe des vies, hante les nuits… D’ailleurs, seulement la fermeture des écoles, des universités et des églises qui rend incomplèt le tableau du quotidien haïtien.

 

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