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Décès de l’écrivaine ukrainienne Victoria Amelina après une frappe sur un restaurant de Kramatorsk

Victoria Amelina avait 37 ans. Elle était poétesse, écrivaine, essayiste. Elle est morte dans le bombardement du restaurant de Kramatorsk. Depuis l’invasion russe, elle enquêtait sur les crimes de guerre et prenait sa part de risque. A l’image de beaucoup dans la société ukrainienne.

Victoria Amelina avait 37 ans. Elle était poétesse, écrivaine, essayiste. Ses livres étaient traduits à l’étranger, et avaient reçu des prix prestigieux. Elle avait tout pour elle. Elle n’avait que cinq ans lorsque l’Ukraine est devenue indépendante, une liberté qui lui avait permis de choisir son destin. Et puis le 24 février 2022 est arrivé. L’armée russe a envahi son pays. Et la vie de Victoria Amelina a basculé, comme celle de millions d’autres Ukrainiens.

La jeune femme a succombé dimanche à des blessures au crâne reçues la semaine dernière lors d’un tir de missile russe sur un restaurant de Kramatorsk, dans l’est de l’Ukraine. Elle est la 13ème victime de ce bombardement d’une cible totalement civile.

A Moscou, l’armée russe a affirmé que deux généraux ukrainiens et des « mercenaires étrangers » avaient été tués lors du tir sur une « cible militaire ». Rarement le décalage entre la propagande et la réalité n’aura été aussi criant.

Victoria Amelina est totalement symbolique de la manière dont la société ukrainienne a réagi à l’invasion russe. Poétesse, elle est devenue enquêtrice sur les crimes de guerre commis par l’armée d’occupation. Elle documentait minutieusement chaque crime de guerre afin de permettre, un jour, d’obtenir justice et réparation.
C’était l’un des engagements de la jeune femme, mais pas le seul. Elle participait à des actions de soutien aux enfants dans la zone de guerre. Elle avait également publié le

journal de Volodymyr Vakulenko, un écrivain arrêté et assassiné par les soldats russes lors de l’occupation de sa ville d’Izium, reprise depuis par l’armée ukrainienne. Le journal avait été enterré dans son jardin, et constitue un témoignage important sur la vie sous occupation russe. Elle avait reçu une bourse pour une résidence sur le campus parisien de l’université américaine de Columbia cet automne, en compagnie de son fils de 12 ans.

A Kramatorsk, l’infatigable Victoria Amelina a été fauchée alors qu’elle accompagnait un groupe d’écrivains et de journalistes de Colombie venus témoigner, eux aussi, sur cette guerre. Blessés, leurs jours ne sont toutefois pas en danger.

La jeune femme est à l’image de très nombreux Ukrainiens de tous les milieux qui ont tout abandonné pour contribuer, à la mesure de leurs possibilités, à la résistance.

La semaine dernière, des journalistes français ont été escortés sur le front par le sergent ukrainien Andriy Onistrat. Avant la guerre, cet homme de 49 ans était banquier, champion de moto et marathonien. Il s’est engagé dès l’invasion russe, et a demandé à être envoyé à la 68ème brigade de chasseurs, sur le front.

La raison ? Son fils Ostap, 19 ans, était dans cette unité. Pendant deux mois, le père et le fils ont servi ensemble : « Ce furent les deux plus beaux mois de ma vie. Je l’ai vu devenir fort, courageux », a-t-il raconté à Rémy Ourdan, l’envoyé spécial du « Monde ». Mais le 2 juin, Ostap a été fauché par un tir russe, il est mort. « Je voulais le protéger, le sauver, et lui voulait être un héros. Il a gagné. C’est tout », dit ce banquier devenu sergent, mais surtout père endeuillé.

Comme Andriy Onistrat, Victoria Amelina a quitté sa vie confortable pour prendre sa part de risque. Elle enquêtait sur les crimes de guerre. Elle a été victime d’un crime de guerre.